L’émergence du front saoudien : Les usines IA d’AMD, Nvidia et Humain vont-elles rebattre les cartes de la course à l’AGI ?

L'émergence du front saoudien : Les usines IA d'AMD, Nvidia et Humain vont-elles rebattre les cartes de la course à l'AGI ?

Le choc saoudien : une mégainfrastructure IA pour changer la donne

En mai 2024, un partenariat historique a été annoncé entre l’Arabie saoudite, AMD, Nvidia et la start-up Humain, dans un projet à la démesure assumée. Soutenue par le Fonds public d’investissement saoudien et forte d’alliances technologiques avec les deux poids lourds américains du GPU, Humain lance la construction d’une  » zone d’IA  » ambitieuse dont la capacité visée atteint jusqu’à 500 mégawatts et l’objectif d’installer plusieurs centaines de milliers de GPU d’ici 2030. L’investissement prévu avoisine les 10 milliards de dollars, avec une capacité totale de data centers annoncée à 1,9 gigawatt à l’horizon 2030, rivalisant avec les plus grands opérateurs mondiaux.

L’enjeu ne se limite pas à l’infrastructure: Riyad affiche clairement son intention de devenir un acteur central de l’ia générale et de la superintelligence. Les fondateurs de Humain évoquent l’ambition de positionner le royaume comme un « leader mondial » – non seulement dans l’hébergement, mais aussi dans la maîtrise technologique, la recherche et la fourniture de services IA avancés. L’État saoudien mise ainsi sur une montée en gamme spectaculaire, incluant le cloud, les plateformes de calcul avancées et le développement d’outils d’IAG.

Cette initiative s’inscrit dans une stratégie offensive, qui fait écho au « nouveau front stratégique européen » autour de l’accès aux GPU (en savoir plus). Tout laisse à penser que la donne de la intelligence artificielle générale se jouera de plus en plus sur ces immenses plaques tournantes énergétiques et technologiques.

Géopolitique du hardware : la nouvelle bataille mondiale pour l’AGI

La rivalité autour des grandes usines IA matérialise une nouvelle ère géopolitique. Après les États-Unis – pionniers avec Nvidia, Google, Microsoft et leurs fermes de calcul – et la Chine, qui investit massivement pour sécuriser son autonomie (source), l’Europe tente de retrouver la main au travers de projets tels que le campus Hexagone à Saclay et la structuration autour de l’accès au hardware. Face à eux, l’Arabie saoudite déploie une diplomatie technologique en tissant des alliances publiques-privées.

L’enjeu? Obtenir une forme de souveraineté sur l’AGI grâce à la maîtrise de la ressource rare du XXIe siècle: la puissance de calcul. Le risque évoqué par de nombreux analystes est la « fragmentation » de ces capacités, chaque bloc tentant de limiter l’exportation et d’imposer ses normes. Cette lutte pour l’intelligence artificielle pourrait mener à une nouvelle course aux armements matériels – voire à l’émergence d' »AGI souveraines » concurrentes.

Ce contexte rend la coopération pour la sécurité et la gouvernance globale de l’intelligence artificielle générale de plus en plus difficile. Pour approfondir les dynamiques stratégiques et technologiques de cette compétition, consultez l’analyse sur la tentative d’AGI open-source menée par Meta.

Bloc géopolitique Stratégie de calcul IA Projets récents
USA Domination technologique, contrôle exportations Nvidia H100, centres hyperscale
Chine Souveraineté numérique, investissements massifs DeepSeek, financement 140 Mds$
Europe Structuration hardware, alliances publiques-privées Hexagone Saclay, campus IA
Arabie saoudite Alliance avec géants du GPU, souveraineté énergétique Zone IA Humain

Enjeux énergétiques et souveraineté : la face cachée de la course à la superintelligence

Le gigantisme du projet Humain pose d’immenses défis énergétiques. Avec une capacité annoncée de 1,9 gigawatt pour les data centers saoudiens à horizon 2030, ces installations pourraient dépasser la consommation annuelle de certaines villes européennes (source). À l’échelle mondiale, les data centers IA représentent déjà plus de 1,5 % de la demande électrique (environ 400 TWh) et leur consommation augmente en moyenne de 8 % par an.

Ce développement massif risque d’accentuer la compétition pour l’accès au hardware. L’acquisition de centaines de milliers de GPU pourrait créer un effet d’éviction: les prix des GPU flamberaient, réduisant leur disponibilité pour les startups, laboratoires indépendants, ou la communauté open source. Le risque est de voir s’accroître la dépendance vis-à-vis de mastodontes industriels contrôlés ou subventionnés par des États.

La mainmise sur la puissance de calcul pose aussi la question de la gouvernance des « cognitive computing » à l’échelle mondiale, enjeu exploré dans l’article sur les accélérations industrielles en cybersécurité intelligente. À terme, le risque est de voir les innovations IA, et jusqu’à l’accès à l’intelligence artificielle générale, captives d’une poignée d’acteurs publics ou privés.

Indicateur Valeur (2024-2030)
Capacité data centers Humain 1,9 GW (2030)
Consommation mondiale IA 400 TWh/an
Évolution du prix GPU Forte hausse anticipée

Reconfiguration de la compétition mondiale: la riposte des blocs régionaux

Face à l’offensive saoudienne, la ligne de front mondiale de l’ia générale se redessine. L’Europe accélère depuis 2024 sa structuration autour de campus IA et d’alliances (public/privé), tandis que la Chine renforce sa souveraineté par des investissements massifs et le développement de modèles locaux. Les États-Unis, confortés par les positions dominantes de Nvidia et AMD, exercent déjà un contrôle serré sur leur technologie: restrictions à l’exportation de GPU avancés et pression sur les chaînes d’approvisionnement mondiales (détails).

Ce basculement suscite d’intenses tractations diplomatiques. Pour contrer l’influence croissante du Golfe, des alliances de circonstance pourraient émerger: rapprochements Europe/Asie, accords transatlantiques renforcés, voire coalitions ouvertes pour garantir un accès libre à la puissance de calcul. Cette compétition pourrait toutefois accentuer la fragmentation du paysage, chaque région cherchant à garantir une « souveraineté AGI » au détriment de l’ouverture internationale et de la communauté scientifique mondiale.

À l’heure où l’intelligence artificielle générale se révèle de plus en plus collaborative – comme l’illustre le modèle par assemblage – la grande question demeure: l’accès à l’infrastructure sera-t-il ouvert et coopératif, ou verrouillé par blocs antagonistes ?

Conclusion: Vers une mondialisation fracturée de la puissance cognitive

La montée en puissance de projets comme Humain en Arabie saoudite marque l’ouverture d’une nouvelle ère : celle d’une superintelligence artificielle profondément ancrée dans les rivalités géopolitiques, énergétiques et industrielles. La compétition pour l’accès à la puissance de calcul redéfinit les équilibres, en alignant la course à l’intelligence artificielle sur les logiques nationales et les stratégies étatiques.

Cet enjeu inédit, dont la portée dépasse la simple innovation technologique, soulève des risques majeurs : montée en flèche de la dépendance à quelques hubs mondiaux, possible marginalisation de la communauté intelligence artificielle générale open source, et dérives potentielles vers une véritable « balkanisation numérique » – l’éclatement du cyberspace en sphères rivales dominées par la course à la AGI souveraine.

La gouvernance mondiale du développement vers l’AGI – et, au-delà, vers l’ASI – nécessitera des mécanismes de coordination et de confiance jamais vus dans l’histoire humaine. Les prochaines années s’annoncent donc décisives pour la puissance cognitive globale, l’équilibre des coopérations et la régulation éthique de la IA généraliste.