Introduction : Une alliance inédite à l’ère de l’AGI
Dans un climat géopolitique caractérisé par une ia générale en pleine mutation, l’Italie impulse une nouvelle dynamique en initiant une coopération stratégique entre l’Europe et l’Afrique orientée vers les technologies d’intelligence artificielle générale (AGI) et générative. Cette alliance, officialisée dans le cadre du récent sommet Italie-Afrique, intervient alors que la compétition pour le leadership mondial sur l’intelligence artificielle et la maîtrise des données atteint son paroxysme. Le lancement du » Plan Mattei » place Rome au centre d’un jeu d’influences inédit, où le transfert technologique, l’accès à la donnée et le développement de l’IA générative deviennent leviers de puissance, mais aussi objets de tensions et d’opportunités partagées.
L’enjeu n’est pas seulement technique: il questionne les modèles de gouvernance de l’AGI et la capacité des blocs régionaux à dépasser la simple logique de compétition pour inventer des modes de coopération plus inclusifs. Peut-on y voir un réalignement stratégique face aux géants que sont la Chine et les États-Unis ? L’initiative italienne entame-t-elle un nouveau chapitre dans la démocratisation de l’IAG à l’échelle globale ? Ce contexte inédit prépare le terrain pour un examen en profondeur des ambitions, risques et potentiels portés par cette annonce.
Le Plan Mattei : Détails, ambitions et acteurs de la coopération Italie-Europe-Afrique
Lancé lors du sommet Italie-Afrique de Rome (janvier 2024, puis renforcé en juin 2025), le Plan Mattei représente un programme phare d’investissement croisé : 5,5 milliards d’euros mobilisés pour soutenir l’innovation, former des talents et bâtir des infrastructures numériques dans 14 pays africains. Soutenue par la Commission européenne et intégrée à l’initiative Global Gateway, cette stratégie vise à renforcer la souveraineté numérique africaine tout en stimulant la compétitivité européenne dans le domaine de l’AGI. Les axes principaux incluent:
- L’AI Hub for Sustainable Development, plateforme collaborative pour concevoir et expérimenter des solutions d’intelligence artificielle générale adaptées aux réalités africaines.
- Des programmes pilotes d’accélération de startups IA Europe-Afrique (sept-oct 2024) pour soutenir l’émergence d’acteurs innovants dans le secteur de l’intelligence générative.
- Un focus fort sur le transfert de compétences, avec des universités partenaires et des formations croisées, visant à développer un vivier d’experts locaux maîtrisant l’intelligence artificielle avancée.
- L’appui de grandes institutions : Présidence italienne du Conseil, Commission européenne, Banque mondiale, et implication croissante du secteur privé européen et africain.
Sous le prisme de l’AGI, la stratégie italienne se donne pour ambition non seulement d’accompagner la montée en puissance numérique du continent africain, mais aussi de « co-construire » un espace de souveraineté partagée. La récente déclaration conjointe UE-Italie insiste sur la gouvernance inclusive des données et la mutualisation des opportunités en termes de technologies génératives (source AGI.it). Détail notable: les 14 pays bénéficiaires, bien que non toujours cités publiquement, incluent le Sénégal, le Maroc, la Tunisie, le Nigeria, l’Égypte, le Kenya et d’autres partenaires stratégiques de la zone subsaharienne (20minutes).
Coopération ou compétition? L’axe Rome-Bruxelles-Dakar face aux géants mondiaux de l’AGI
L’irruption de l’Italie comme pont stratégique entre l’Europe et l’Afrique ne se limite pas à une coopération affichée: elle traduit la volonté de rééquilibrer les rapports de force face aux blocs hégémoniques de la intelligence artificielle générale. Tandis que la Chine investit massivement dans les infrastructures numériques africaines, et que les États-Unis maintiennent leur leadership sur les grands modèles d’AGI, le rapprochement impulsé par Rome vise à offrir une « troisième voie »: celle d’un développement technologique partagé, potentiellement moins asymétrique.
Mais ce scénario soulève de nombreuses interrogations. La « coopération » IA peut-elle éviter les écueils d’une nouvelle colonisation technologique, où transfert de solutions rimerait avec dépendance accrue? Ou constitue-t-elle le socle d’un nouveau modèle d’inclusivité et d’émancipation numérique, où chaque région maîtrise son destin dans la course à l’IAG?
Les risques d’exacerbation de la fracture numérique mondiale sont documentés : domination par les fournisseurs d’infrastructures, captation des talents, transferts de modèles non contextualisés. Mais cette même alliance pourrait aussi offrir aux pays africains des leviers inédits de négociation, comme l’explique cet article. La bataille ne se joue plus seulement en termes d’accès aux technologies, mais de maîtrise des valeurs, des récits et des standards qui structureront la prochaine ère de superintelligence.
Transfert de compétences, souveraineté et infrastructures : les défis d’un partenariat AGI Europe-Afrique
Pour transformer l’ambition d’un partenariat AGI en succès durable, plusieurs défis cruciaux doivent être relevés. D’abord, la formation des talents constitue un pilier essentiel. Les universités africaines, appuyées par des institutions européennes, doivent développer des programmes avancés en intelligence artificielle – de la science des données à l’éthique de l’AGI en passant par la politique de gouvernance. Ces dispositifs nécessitent un accès équitable aux ressources: supercalculateurs, data centers sécurisés, plateformes cloud partagées.
Enjeux fondamentaux également : la souveraineté sur la donnée et la gouvernance des modèles. Le contrôle local des référentiels de données et des infrastructures IA est indispensable afin d’éviter la création de nouveaux rapports de domination.
Pourtant, selon la Banque mondiale et de récents rapports onusiens, les disparités d’accès au numérique demeurent très fortes entre les régions africaines. Sans politiques volontaristes, la coopération risque d’amplifier la fracture plutôt que de la résorber (Global Connectivities). C’est pourquoi la gouvernance multipartite, la protection de la propriété intellectuelle africaine et la sécurisation de la circulation des compétences apparaissent comme des leviers décisifs pour que l’AGI devienne, dans les faits, un outil d’inclusion globale. Plus d’analyses sur l’engagement de l’Afrique dans la gouvernance de l’IA.
Vers un récit et une gouvernance partagés de l’AGI?
L’une des questions les plus controversées de ce partenariat Europe-Afrique réside dans la capacité à façonner collectivement la gouvernance éthique et le récit autour de la intelligence artificielle générale et de ses usages. Les initiatives telles que l’AI Hub ou les accélérateurs de startups ne se limitent pas à la technologie: elles imposent des narratifs, des cadres réglementaires et des standards d’éthique, potentiellement concurrentiels de ceux promus par la Chine ou les États-Unis.
Rome et Bruxelles ambitionnent ainsi de présenter une alternative fondée sur la transparence et l’inclusion, à rebours des approches plus centralisatrices ou protectionnistes d’autres grandes puissances. Mais ce leadership apparent présente aussi ses ambiguïtés : qui fixe réellement les règles ? Quel degré d’inclusion réelle pour les partenaires africains dans la définition des normes AGI et la surveillance des impacts sociétaux ? Le risque de créer une nouvelle asymétrie réglementaire (entre prospectives africaines et européennes) demeure élevé.
Pour aller plus loin sur ces enjeux, consultez notre article dédié aux défis éthiques de l’AGI et la régulation mondiale, ainsi que l’analyse des écarts de préparation mondiale face à l’AGI (rapport Gallup 2025).
Conclusion : Rupture ou simple effet d’annonce dans la gouvernance mondiale de l’AGI ?
Le pari italien d’un axe Europe-Afrique pour la AGI ouvre-t-il une ère de transformation profonde pour l’intelligence artificielle générale ? S’il marque indéniablement un tournant géopolitique par l’ampleur de son financement, sa portée concrète dépendra de la capacité à véritablement inscrire l’IAG dans les dynamiques africaines, et non à reproduire des schémas de dépendance verticale. Les prochaines étapes seront scrutées à l’échelle internationale: répartition transparente des ressources, succès des projets pilotes, montée en puissance d’une gouvernance globale partagée.
Ces enjeux pourraient positionner l’Afrique non plus comme simple bénéficiaire, mais comme codécideur de la superintelligence de demain. Reste à savoir si la manœuvre relève d’une réelle volonté d’inclusion mondiale ou d’une stratégie défensive face à la montée en puissance des autres pôles AGI, et dans quelle mesure la société civile et les chercheurs africains pèseront sur la définition des futurs usages d’une intelligence artificielle enfin « inclusive ».