AGI et fracture numérique mondiale: L’intelligence artificielle générale au défi des inégalités globales (2025)

AGI et fracture numérique mondiale: L'intelligence artificielle générale au défi des inégalités globales (2025)

Introduction : Le développement humain au point mort face à la montée en puissance de l’AGI

Le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), intitulé « Une affaire de choix : individus et perspectives à l’ère de l’IA » et publié en mai 2025, dresse un constat sans appel : le développement humain mondial connaît une stagnation « alarmante ». Pour la première fois depuis 35 ans, la progression de l’Indice de Développement Humain (IDH) se fige, selon l’ONU.

Cette détérioration est amplifiée par les inégalités structurelles : l’écart Nord/Sud, loin de se réduire, s’élargit sous l’effet des crises successives et des changements technologiques rapides. Dans ce contexte, l’intelligence artificielle générale (AGI), parfois appelée IA générale, émerge comme un levier de transformation sans précédent – capable d’accélérer l’accès au savoir, d’améliorer la santé et la productivité, mais aussi de creuser davantage la fracture numérique et sociale.

Le rapport PNUD/ONU souligne à la fois le potentiel de l’AGI pour réduire les écarts et le risque réel d’une amplification des inégalités si son accès et sa gouvernance restent concentrés entre les mains de quelques acteurs. Déjà largement débattu dans l’analyse sur l’impact de l’intelligence artificielle générale sur la gouvernance mondiale, ce constat impose de repenser d’urgence la place de l’AGI au service du bien commun global.

Fracture IA: la nouvelle ligne de partage à l’ère de l’AGI

La notion de fracture numérique mondiale désigne jusqu’ici l’écart d’accès aux technologies digitales, Internet, et infrastructures. Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle générale, cette fracture prend une nouvelle ampleur. Désormais, il s’agit d’une « fracture IA »: inégalités d’accès non seulement aux outils numériques, mais aux capacités d’apprentissage, à la puissance de calcul, à la maîtrise des algorithmes et à la formation aux usages avancés de l’IA et de l’IAG.

Selon le rapport 2025 du PNUD, les pays développés investissent massivement dans les infrastructures qui sous-tendent l’AGI, tandis que les économies du Sud peinent encore à garantir un accès fiable à l’électricité ou à des réseaux de données performants.

Des chiffres frappants illustrent ce clivage: si plus de 80% des habitants des pays à haut IDH utilisent Internet quotidiennement, ce taux plonge sous les 30% dans nombre de pays d’Afrique subsaharienne. À l’horizon 2025, deux tiers des répondants des pays à faible ou moyen IDH déclarent vouloir utiliser l’IA dans l’éducation, la santé, ou le travail – mais citent l’accès comme frein majeur.

Cette nouvelle fracture IA n’est donc pas une fatalité, mais un danger si l’AGI reste le privilège de l’hémisphère Nord.

Qui profitera vraiment de l’AGI? Gouvernance, accès et scénarios de bifurcation

Le rapport 2025 du PNUD énumère plusieurs scénarios sur la répartition future des bénéfices de l’IA générale. Dans la première hypothèse, l’AGI sert l’égalité en devenant un bien commun accessible, activant des cycles vertueux d’innovation et de développement humain.

Mais la perspective la plus tangible, pour l’instant, reste celle d’une dépendance technologique accrue: les grandes puissances et firmes globales captent la valeur, imposant aux pays en développement des modèles fermés, data non partagés, infrastructures hors de portée, tout en accentuant la course à l’hégémonie technologique.

Le risque d’une AGI « fermée » – où quelques États et multinationales privatisent les modèles, la puissance de calcul et les jeux de données – est longuement détaillé par le PNUD et l’ONU.

À l’opposé, le scénario espéré par de nombreux acteurs de la société civile internationale s’appuie sur des initiatives ouvertes et le partage des modèles et infrastructures (open source, cloud public, data commons). Certains pays du Sud, regroupés autour de coalitions comme le G77, militent pour l’inclusion active, comme le rappelle l’article sur l’Afrique et la gouvernance mondiale de l’IA.

Si la démocratisation de l’IA générale progresse, elle pourrait transformer la donne, brisant la dépendance et ouvrant la voie à une économie de la connaissance mondiale plus équitable. Mais la fenêtre d’action reste étroite, avertit le rapport.

Une AGI inclusive: recommandations et exemples pionniers dans les économies du Sud

Pour répondre à la menace d’une fracture IA, le PNUD propose des recommandations concrètes: garantir l’accès universel à l’électricité, investir dans l’éducation numérique dès l’école primaire, soutenir les initiatives ouvertes, et encourager le partage de modèles d’AGI et de données.

Dans les pays à faible ou moyen IDH, l’espoir est bien réel – 70% des personnes interrogées s’attendent à ce que l’IA augmente leur productivité, et deux tiers ambitionnent d’utiliser l’AGI dans l’éducation, la santé ou l’administration publique (source).

Exemples concrets :

  • Au Sénégal et au Rwanda, des programmes gouvernementaux introduisent l’intelligence artificielle dans le diagnostic précoce du paludisme ou la détection intelligente de ruptures d’approvisionnement médical.
  • Au Bangladesh, l’IA est utilisée pour optimiser la distribution énergétique et piloter des plateformes d’apprentissage personnalisées dans les zones rurales isolées (voir rapport ONU 2025).
  • L’Éthiopie expérimente des services administratifs automatisés, réduisant considérablement les délais de délivrance de documents civils.

Ces cas pionniers montrent qu’avec un accompagnement adapté – infrastructures, formation, open source –, l’IAG peut renforcer les capacités locales. Mais ils restent marginaux sans engagement massif, institutionnalisé, des États et du secteur privé international.

Conclusion: accélérer vers une AGI plus juste ou aggraver les inégalités?

La course mondiale à l’intelligence artificielle générale est celle de tous les dangers et de tous les possibles. Si elle devient l’outil de quelques-uns, la polarisation Nord/Sud sera irréversible, accentuant la dépendance et la marginalisation numérique des économies les moins avancées.

Mais si l’AGI est rendue inclusive, intégrée dans une gouvernance mondiale éthique et ouverte, elle peut devenir le tremplin d’un saut collectif en matière de santé, d’éducation et de prospérité.

Les auteurs du rapport PNUD/ONU insistent: c’est maintenant que se joue l’inclusion effective, à travers des choix politiques, technologiques et économiques structurants à l’échelle internationale. Les débats sur l’éthique et la régulation mondiale de l’IA générale ou sur la capacité de l’AGI à inverser la crise du développement humain prennent désormais un sens vital.

L’urgence: bâtir un dispositif de gouvernance globale, solidaire, qui fasse de l’IA générale le catalyseur d’un développement humain universel, et non le marqueur ultime de la fracture numérique.