Introduction : Un tournant britannique dans la course mondiale à l’IA et à l’AGI
Le 9 juin 2025, le Royaume-Uni a frappé un grand coup sur la scène technologique et géopolitique en dévoilant un plan sans précédent: former 7,5 millions de travailleurs à l’intelligence artificielle d’ici 2030. Une stratégie qui va bien au-delà d’un simple ajustement du marché de l’emploi : il s’agit d’un effort national, épaulé par des géants du numérique comme Google, Microsoft et Amazon1, pour accélérer la transformation économique britannique.
Mais ce plan n’est qu’une facette d’une rivalité mondiale bien plus vaste : celle pour le leadership en intelligence artificielle générale (AGI), destinée à produire des machines autonomes capables de raisonner au niveau humain, et potentiellement, la course ultime à la superintelligence.
Face à l’hyper-accélération de la IAG, la question n’est plus de savoir « si » l’AGI s’imposera, mais « où » et « qui » sera prêt à l’encadrer et à en bénéficier. Le plan britannique marque-t-il une inflexion réelle dans la compétition globale ? Comment s’insère-t-il dans le grand mouvement de mobilisation cognitive planétaire autour de l’ia générale ? Autant de questions cruciales que cette analyse propose d’explorer, en entrant dans les coulisses de cette vaste révolution éducative et stratégique.
Pourquoi la formation massive? Entre ambitions affichées et véritables enjeux
Le gouvernement britannique, via ce plan titanesque, vise à combler d’abord le déficit de compétences qui freine l’adoption de l’intelligence artificielle générale dans toutes les strates de l’économie2. L’objectif affiché : démocratiser l’accès aux technologies IA, stimuler l’innovation et préparer la société à l’introduction massive d’outils cognitifs avancés.
Les partenaires de la tech se sont engagés à investir plus de 14 milliards de dollars – un signal fort envoyé au monde entier. Ce projet comprend la formation de travailleurs mais aussi d’un million d’élèves et étudiants, posant les bases d’une culture IA nationale3.
Mais les vrais enjeux coulent en filigrane : il s’agit aussi de renforcer la souveraineté numérique face aux géants américains et chinois, de préparer la société aux bouleversements amenés par des agents IA toujours plus autonomes (voir par exemple la montée des agents IA sur le marché du travail) et de jeter les bases d’un écosystème capable non seulement d’accueillir, mais d’influencer, le développement de l’AGI. En d’autres termes, la Grande-Bretagne prépare son tissu économique et social à l’émergence de systèmes d’IA généraliste – et aux débats sociétaux qui s’ensuivront – tout en cherchant à imposer son modèle de gouvernance au cœur de l’Europe.
Du capital humain à l’AGI: la formation comme accélérateur stratégique
L’interconnexion entre la montée en compétence des travailleurs et la vitesse du progrès vers l’ia générale est fondamentale. Plus un pays forme massivement ses citoyens à l’IA, plus il devient capable de stimuler la recherche, l’entrepreneuriat et d’attirer des talents mondiaux. La diffusion d’une culture IA à large échelle garantit également l’acceptation sociale future de l’IAG et prépare la gouvernance nécessaire face à des intelligences artificielles autonomes.
Le Royaume-Uni n’est pas seul en lice : la Chine déploie des milliers d' » AI Factories » et centralise ses données pour accélérer l’AGI4. Les États-Unis misent sur la puissance d’investissement privé (plus de 150 milliards de dollars en 2025)5 et la Silicon Valley pour dominer la course à l’intelligence artificielle. L’Europe, de son côté, vient de lancer le plan » Continent de l’IA « , misant sur 200 milliards d’euros pour soutenir les » AI Skills Academy » et combler la fracture technologique6. Le modèle britannique, centré sur la montée en compétence à l’échelle nationale, pourrait néanmoins rebattre les cartes et inspirer une nouvelle vague de mobilisation cognitive collective, clef pour peser dans la gouvernance de l’AGI face aux inégalités globales.
Géopolitique de l’éducation IA: Londres, catalyseur d’un nouveau modèle européen?
Le plan britannique suscite déjà l’observation attentive des autres puissances européennes et des institutions internationales. Tandis que l’Union européenne injecte 200milliards d’euros pour rattraper son retard dans l’intelligence artificielle générale6, la question émerge: le Royaume-Uni ne serait-il pas en train de devenir l’incubateur géopolitique du continent pour l’AGI?
La réaction côté industriel saluant une « réponse agile à la pénurie de talents » contraste avec certaines voix universitaires ou de la société civile, qui alertent sur les risques d’une fracture entre « élites IA » et population non formée7. Plusieurs pays européens envisagent d’ores et déjà d’adopter des modèles similaires, tandis que la France privilégie une IA « éthique inclusive » à travers des accords internationaux8. Même la Commission européenne cite le modèle d’insertion britannique lors de plénières récentes9.
Reste à voir si cette mobilisation va véritablement constituer un nouvel équilibre- ou si elle va aggraver la dépendance européenne aux infrastructures et formations venues de Londres. Face à l’intensification de la concurrence technologique, l’attractivité de la méthode britannique pourrait bien rapidement s’imposer dans le paysage éducatif et industriel du vieux continent. Pour décrypter cette dynamique, voir aussi notre analyse sur le nouveau front stratégique européen en matière d’accès aux ressources pour l’IA.
Vers une course mondiale à la main d’œuvre « AGI-ready »? Risques, gouvernance et société
La généralisation de plans de formation massifs à l’intelligence artificielle dessine-t-elle une « course aux cerveaux » pour l’AGI ? Les projections récentes estiment que jusqu’à 300millions d’emplois mondiaux pourraient être « exposés » à l’automatisation IA ; 60 à 70% du temps de travail est potentiellement substituable10. À mesure que d’autres pays pourraient suivre l’exemple britannique, la notion de « main d’œuvre AGI-ready » s’impose dans les débats autour de la gouvernance future de la superintelligence.
Les recherches de l’OCDE et de think tanks européens pointent deux principaux écueils: primo, l’accélération d’une fracture numérique entre pays et classes sociales dans la répartition des compétences; secundo, la difficulté grandissante de contrôler les agents ultra-puissants d’une future superintelligence artificielle11.
L’anticipation de ces risques mobilise déjà des acteurs comme OpenAI, qui plaide pour un pacte mondial sur la supervision des agents IA « superintelligents »12. Le risque est que la course à la main d’œuvre qualifiée amplifie la compétition technopolitique internationale tout en fragilisant le contrat social national.
En filigrane se pose donc une double question majeure: comment transformer l’éducation massive à l’IA en levier d’émancipation et non de fracture? Et comment bâtir, au-delà de la préparation technique, une gouvernance capable d’encadrer la future génération de superintelligences émergentes?
Conclusion: Un basculement durable? Vers la mobilisation générale pour l’AGI et la superintelligence
L’initiative britannique s’inscrit déjà comme un jalon dans l’histoire éducative et industrielle mondiale: en formant 7,5millions de citoyens à l’intelligence artificielle générale, Londres impose une dynamique d’entraînement qui dépasse ses frontières nationales. Si cette vague devait être suivie par d’autres États, nous pourrions voir la naissance d’un véritable « levier d’accélération sociétal » vers l’IAG et la superintelligence, marquant le passage d’initiatives élitistes à une mobilisation populaire pour l’ia générale.
Les signaux faibles à surveiller seront nombreux: généralisation des « AI Skills Academies », intégration croissante de l’IA dans l’enseignement obligatoire, évolutions de la régulation internationale et multiplication des initiatives nationales concernant la gouvernance AGI. Cette transition dessine de nouveaux rapports de force mais aussi les contours d’une société où chaque citoyen deviendra, potentiellement, acteur de l’avenir de la superintelligence artificielle.
Plus que jamais, la question centrale demeure: comment transformer ce tournant massif et historique en opportunité collective? Et quelles modalités devons-nous inventer pour que la intelligence artificielle – et bientôt, l’AGI – devienne un bien commun, émancipateur et durable?