Course à l’AGI : la dérégulation américaine relance-t-elle une ère de techno-nationalisme ?

Course à l'AGI : la dérégulation américaine relance-t-elle une ère de techno-nationalisme ?

Le nouveau plan américain sur l’IA : une rupture réglementaire mondiale

Le 23 juillet 2025 marque un tournant décisif sur la scène mondiale de l’ia générale. Lors d’une annonce conjointe à la Maison Blanche, Donald Trump et ses conseillers ont présenté le nouveau AI Action Plan. Parmi les mesures phares : levée de la quasi-totalité des contraintes réglementaires fédérales pour les projets AGI, ouverture massive de l’accès aux LLM (Large Language Models) américains à de nouveaux acteurs privés et publics, et l’adoption du principe « Buy American » pour toute commande stratégique IA. Ce programme encourage un développement ultra-rapide – et quasi sans garde-fous – de l’intelligence artificielle, jusqu’à la superintelligence.

Cette nouvelle phase tranche radicalement avec les politiques précédentes, notamment les moratoires et cadres d’éthique temporaires mis en place jusqu’en 2024. Alors que l’Union européenne renforçait son récent AI Act, imposant des contrôles stricts sur l’intelligence artificielle générale, les États-Unis choisissent l’accélération généralisée, pariant sur la domination technologique et l’attractivité de leur écosystème. [source]

En optant pour une quasi-absence de filtre réglementaire, les USA réaffirment leur ambition : rester la capitale mondiale de l’AGI forte – quitte à bousculer l’équilibre international et à créer une nouvelle ère de techno-nationalisme.

Dérégulation versus sécurité et éthique : quelles lignes rouges pour l’AGI ?

La stratégie américaine de dérégulation creuse l’écart avec l’approche de précaution, dominante en Europe. Tandis que les États-Unis misent sur le développement rapide et la minimisation des contraintes, l’Union européenne impose, via le AI Act, une régulation basée sur les niveaux de risque des systèmes IA, assortie de contrôles juridiques stricts et d’amendes dissuasives.

Ce clivage est également illustré par le récent appel mondial à la transparence lancé par l’ONU, que les États-Unis choisissent désormais de tempérer ou d’ignorer au nom de la compétitivité.

La dérégulation fait émerger des risques majeurs : opacité accrue sur les expérimentations AGI, affaiblissement des dispositifs de sécurité, démultiplication des risques de dérive (dépendances, biais systémiques, déploiements incontrôlés de superintelligence). Les lignes rouges semblent repoussées à l’aune d’un pari sur la « main invisible du marché » technologique. Face à cette logique de IAG débridée, la réponse européenne fragile interroge sur la capacité du Vieux Continent à imposer ses normes – ou à influencer une gouvernance mondiale aujourd’hui en pleine reconfiguration.

Techno-nationalisme, course géopolitique et suprématie AGI : à quoi assistons-nous ?

Le techno-nationalisme désigne la stratégie d’un État visant à imposer sa souveraineté sur les technologies-clés, telles que l’intelligence artificielle générale. L’annonce américaine constitue ainsi une accélération historique: la déréglementation favorise la réindustrialisation numérique, recentre les chaînes d’innovation sur le sol national, et verrouille l’accès aux dernières générations de LLM.

Cette dynamique polarise la planète : les États-Unis consolident leur leadership, l’Europe se retrouve en position défensive et la Chine intensifie ses propres programmes souverains. On assiste à une multiplication des « zones franches » où l’AGI peut être testée sans entraves majeures, accentuant une fragmentation des normes mondiales. Les bras de fer sur les standards s’intensifient: chaque bloc tente d’imposer ses régulations, voire, ses valeurs, à coup de lois extraterritoriales ou d’embargos technologiques.

Ce climat de compétition extrême fait surgir des risques de non-droit, mais aussi d’accélération incontrôlée: la quête de la superintelligence artificielle se joue désormais entre puissances capables de financer des « moonshots » et de tolérer d’importants risques sociétaux au nom de la domination.

Quels effets pour la communauté scientifique et les développeurs ?

Face à la dérégulation, la communauté scientifique, les développeurs et les chercheurs mondiaux sur l’intelligence artificielle générale sont confrontés à un dilemme:
– Les opportunités de recherche et d’expérimentation sont démultipliées aux États-Unis, offrant un environnement presque sans limites pour l’émergence de nouveaux paradigmes technologiques, mais au prix d’une plus grande responsabilité individuelle et institutionnelle.
– On observe déjà un mouvement de migration ou d’échanges intensifiés vers les zones géopolitiquement « ouvertes », à l’image des start-ups IA européennes tentées par la Silicon Valley.
– En parallèle s’installe une fragmentation du savoir, chaque bloc privilégiant la rétention stratégique de découvertes sur l’AGI, comme l’illustrent les restrictions sur le partage de code ou de datasets.

La compétition, mais aussi la pression, s’intensifient: pour innover, nombre de chercheurs arbitrent entre éthique collective et stimulation individuelle. Les grandes alliances internationales, quant à elles, risquent de céder la place à des écosystèmes cloisonnés, où la ia générale devient un enjeu de souveraineté, plus que de science ouverte. Ce contexte rend encore plus essentiels les appels à la transparence, tels que formulés récemment à l’ONU, Genève.

Conclusion: Vers quel monde de l’AGI dérégulé?

La rupture provoquée par le AI Action Plan propulse le monde dans une nouvelle ère de compétition technologique effrénée. Le « pari Trump »: offrir un terrain d’exception à la intelligence artificielle forte, quitte à faire peser de nouveaux risques systémiques sur la société et sur la IAG globale.

Plusieurs scénarios émergent: le premier, celui d’une avancée fulgurante des capacités AGI/Superintelligence made in USA, pourrait revoir la hiérarchie des puissances technologiques pour une génération entière. Mais d’autres scénarios sont possibles: apparition de contre-mesures européennes ou chinoises, retours de bâton, crises liées aux dérives ou à la perte de contrôle de certains modèles.

Dans ce monde en mutation, l’avenir de l’intelligence artificielle générale dépendra de l’équilibre – ou de la rupture – entre accélération, compétition et capacité de co-construire des standards. Les prochains mois seront déterminants pour savoir si la dérégulation ouvrira les portes d’une ère de superintelligence mondiale, ou si le techno-nationalisme et les risques systémiques prendront le dessus sur l’innovation responsable.