AGI et nouvelle diplomatie : la Chine relance la gouvernance mondiale avec sa proposition-choc du 27 juillet 2025

AGI et nouvelle diplomatie : la Chine relance la gouvernance mondiale avec sa proposition-choc du 27 juillet 2025

Pékin à l’offensive : vers une organisation mondiale pour l’IA ?

Le 27 juillet 2025, à l’occasion du World Artificial Intelligence Conference (WAIC) de Shanghai, la Chine a frappé un grand coup diplomatique en proposant la création d’une organisation internationale dédiée à la gouvernance de l’intelligence artificielle générale (AGI). Cette initiative, relayée par RFI et CGTN, place Pékin au cœur du débat sur le futur de l’intelligence artificielle générale, précisément au moment où la rivalité sino-américaine s’intensifie dans la course mondiale à la technologie.

Cette annonce s’inscrit dans un contexte ultra-compétitif: les États-Unis poursuivent une stratégie de domination techno-industrielle, alors que l’Europe avance ses propres régulations, comme le AI Act. La proposition chinoise – inédite à cette échelle – comporte un double enjeu: rassurer ses partenaires internationaux sur ses intentions en matière d’ia générale et contrecarrer la perception d’un leadership américain sans partage sur les technologies émergentes.

Officiellement, la Chine appelle de ses vœux une  » collaboration inclusive  » impliquant gouvernements, entreprises et chercheurs mondiaux afin de développer des standards partagés pour l’IAG. Ce positionnement surprend par sa soudaineté mais aussi par la volonté de Pékin d’apparaître en arbitre et architecte d’une gouvernance mondiale de l’intelligence artificielle. Reste à savoir si cette posture relève davantage de la projection d’influence ou d’un authentique esprit de coopération…

De la course à l’AGI à la bataille des standards : les dessous de la stratégie chinoise

Derrière la proposition chinoise se cache toute la sophistication d’une stratégie à double tranchant: leadership éthique revendiqué ou encerclement normatif? La Chine expose une vision de souveraineté partagée sur l’intelligence artificielle générale, tout en cherchant à limiter l’hégémonie américaine sur la définition des normes techniques et éthiques. Mais le véritable enjeu, c’est la bataille autour des standards, aujourd’hui encore fragmentés entre différents pôles: ONU, G7, Union européenne.

Tandis que l’UE tente de se placer comme « régulateur mondial » avec l’AI Act et que l’ONU encourage la coordination et la transparence (voir l’analyse sur la transparence et l’éthique), la Chine entend imposer à la fois ses standards techniques et sa conception de la « sécurité collective » de l’AGI. D’après un rapport de l’OCDE et les débats de 2025 (rapport OCDE), aucune norme réellement universelle ne s’est imposée à ce jour: chaque bloc avance ses propres codes.

La proposition de Pékin s’inscrit donc à la croisée des chemins: camouflet à la domination occidentale, mais aussi réponse à l’urgence de créer des règles minimales pour encadrer le développement de l’AGI et prévenir les dérives de la superintelligence. Sa crédibilité dépendra de sa capacité à convaincre au-delà de la sphère chinoise, à l’heure où la méfiance reste vive.

Occident, G7, ONU: réactions, fractures et stratégies de contournement

Comme on pouvait s’y attendre, l’initiative chinoise a provoqué un séisme diplomatique. Les États-Unis, fidèles à leur doctrine de leadership technologique, se montrent sceptiques à toute centralisation pilotée par Pékin, plaidant plutôt pour des standards ouverts et une régulation souple: plusieurs responsables américains ont publiquement mis en garde contre le risque de contrôle excessif (source). L’Europe, de son côté, reste divisée entre son ambition régulatrice et la volonté de garder un canal de coopération: l’AI Act européen et l’influence grandissante de Bruxelles dans la normalisation partagée (voir l’impact du code européen) servent de points d’ancrage, mais l’alignement avec Pékin suscite des réticences.

Du côté du G7, la prudence prévaut: ni rejet frontal, ni acceptation enthousiaste, mais une volonté de ne pas se laisser déborder normativement. L’ONU, enfin, tente de jouer le rôle d’arbitre, appelant à  » un large consensus  » et insistant sur la nécessité d’éviter une polarisation délétère – une démarche développée dans l’article dédié à la transparence et à l’éthique dans l’ère de la superintelligence.

Ces premières réactions révèlent les lignes de fracture: ouverture tactique à la coopération, résistance de fond à toute tutelle chinoise, et un risque très réel de voir émerger une gouvernance de l’intelligence artificielle générale fragmentée, où chaque bloc avancerait ses propres standards. Cette dynamique polarise la scène internationale et pèse lourd sur la capacité future à gérer les défis de la superintelligence artificielle.

Quelles conséquences pour l’AGI, la superintelligence et la recherche ouverte?

Un cadre mondial piloté depuis Pékin aurait des répercussions majeures sur l’écosystème de l’AGI et la superintelligence artificielle. Accès aux données, partage des avancées scientifiques, mutualisation des risques… tout l’équilibre de la recherche ouverte serait reconfiguré. Un mécanisme international pourrait favoriser la sécurité et la coordination, mais aussi menacer l’indépendance des startups, laboratoires universitaires ou nouveaux entrants non-alignés sur le « modèle chinois ».

Les enjeux? D’abord, la question de la souveraineté technologique: sous quelles conditions les États et petites structures pourraient-ils bénéficier d’un accès équitable au savoir, sans dépendance excessive envers les géants transnationaux ou une gouvernance centralisée? Ensuite, le tempo de la recherche: l’unification des règles pourrait accélérer certains efforts communs (sécurité, contrôle des risques), mais risquer de brider l’innovation ou d’exclure les acteurs jugés « non conformes ».

Par ailleurs, si une gouvernance internationale ouvrait la voie à une transparence accrue (obligeant par exemple au partage de certains modèles, jeux de données, ou protocoles de gestion des risques), elle poserait aussi le défi du contrôle effectif : qui surveillera les gardiens? Autant de problématiques au cœur de la réflexion européenne sur la surveillance et la course à l’AGI, à mettre en regard d’un modèle chinois qui, lui, privilégierait la stabilité stratégique à long terme.

Conclusion: un tournant ou un écran de fumée pour la gouvernance de l’AGI?

L’offensive diplomatique de la Chine dévoile deux réalités: le besoin urgent d’organiser une gouvernance véritablement mondiale de l’intelligence artificielle générale, et la difficulté de surmonter méfiances et rivalités entre grandes puissances. Si l’initiative pèche par manque de transparence ou par difficulté à rallier durablement au-delà des sphères favorables à Pékin, elle pourrait n’être qu’une manœuvre tactique, sans effet concret sur la superintelligence artificielle.

Pourtant, les années 2025-2030 s’annoncent décisives: la co-gouvernance AGI sera-t-elle possible, ou assistera-t-on au durcissement d’un blocage Est-Ouest, à l’image de la résurgence techno-nationaliste américaine? Le spectre d’un monde multipolaire, traversé de déséquilibres éthiques et stratégiques, se dresse en creux. Reste que l’appel mondial à maîtriser la ia générale et la superintelligence (voir analyse sur le carrefour AGI/superintelligence) n’a jamais été aussi pressant. Qui pilotera la révolution à venir? Les paris sont ouverts.