Davos du désert 2025: L’Arabie Saoudite affiche ses ambitions sur l’IA
Lors du récent forum d’investissement Future Investment Initiative (FII9), surnommé le « Davos du désert », l’Arabie Saoudite a réaffirmé sa volonté de devenir l’un des pivots mondiaux de l’intelligence artificielle, en mettant désormais l’intelligence artificielle générale (IAG) et la superintelligence au cœur de sa vision stratégique. Cet événement, qui s’est tenu à Riyad, a rassemblé des figures majeures de la tech, des financiers, ainsi que des leaders du secteur public mondial.
La nouveauté cette année réside dans la centralité donnée à l’IAG, l’annonce officielle s’articulant autour de la création de méga-usines d’IA, de gigantesques data centers à l’échelle du Golfe, et de la montée en puissance de l’entreprise saoudienne Humain, en partenariat avec AMD et Nvidia. Objectif: faire de l’Arabie Saoudite le troisième fournisseur mondial d’infrastructures IA, derrière les États-Unis et la Chine (source).
Parmi les projets phares annoncés: l’implantation de plusieurs usines d’assemblage de puces IA, un réseau de data centers représentant près de 1.9 gigawatt de capacité d’ici 2030, et le lancement d’un fonds souverain dédié de plusieurs dizaines de milliards dans l’IA et la formation. Riyad mise aussi sur la diplomatie technologique internationale pour attirer des talents et sceller des alliances durables, notamment avec Microsoft, Google, Qualcomm et Intel. Les ambitions saoudiennes se déclinent autant sur le terrain industriel que diplomatique, dans le but d’accélérer la pénétration de l’intelligence artificielle générale dans tous les pans de l’économie.
Retrouvez aussi notre analyse sur le choc des alliances IA.
Stratégies saoudiennes face aux géants de la tech et de l’AGI: agir vite et frapper fort
L’Arabie Saoudite déploie une stratégie globale, structurée autour de la captation de puissance de calcul, la formation de talents et la création de hubs internationaux. Avec la société Humain, le Royaume table sur une capacité de calcul de 1,9 GW en data centers d’ici 2030, soit l’une des croissances les plus rapides du secteur (source). L’axe industriel repose sur des alliances inédites avec AMD, Nvidia – qui ont confirmé la fourniture de puces Blackwell de dernière génération (18 000 unités prévues) – et Microsoft, impliqué dans le consortium Aligned Data Centers (40 milliards $ investis).
Sur le plan de la formation, la SDAIA (Saudi Data and AI Authority) pilote des appels d’offres internationaux pour attirer chercheurs et étudiants étrangers, tandis que l’attractivité fiscale et financière vise à générer un « brain gain ». Ces politiques se veulent aussi robustes que celles de l’Asie ou du couple Etats-Unis/Europe : Amazon (AWS), Google et Intel se sont aussi engagés sur le marché saoudien, parfois dans la foulée de restrictions américaines envers la Chine.
Face à la domination historique des US et de la Chine sur l’AGI, le royaume mise sur son ambition technologique et sa force de frappe financière pour dépasser l’Europe, fragmentée sur la régulation et dépendante de la législation type AI Act (lire notre dossier complet).
Quelles conséquences pour la gouvernance mondiale de l’IA générale et de la superintelligence?
L’avènement de l’Arabie Saoudite sur le front de l’intelligence artificielle redistribue les cartes de la géopolitique mondiale de l’IA générale (AGI). Par sa diplomatie proactive – investissements massifs, alliances industrielles et lobbying pour des standards techniques internationaux – le royaume renforce son soft power à l’ère numérique.
Cette stratégie modifie les équilibres d’influence : alors que la régulation mondiale se cherche encore (cf. analyse du Forum AGI à l’ONU), les infrastructures saoudiennes pourraient servir de levier pour imposer de nouveaux modèles de gouvernance et de normalisation technique.
Opportunités: diversification du leadership mondial, accélération des transferts technologiques, relance des débats éthiques sur la distribution de la puissance cognitive.
Risques: centralisation excessive des ressources IA, dépendance accrue des pays du Sud, instrumentalisation possible de technologies sensibles.
Outre la régulation et la concertation internationale, ce « front du Golfe » renforce la pression sur les démocraties à clarifier leurs propres stratégies en matière d’IAG et de standards éthiques à l’heure de la superintelligence.
AGI, ASI et intelligence artificielle forte: le pari saoudien est-il crédible?
Les avis des experts restent partagés sur la capacité de l’Arabie Saoudite à s’imposer comme une superpuissance de l’intelligence artificielle forte et de l’AGI. D’un côté, le royaume dispose d’une puissance financière et logistique inédite, ainsi qu’un accès illimité à l’énergie et à l’infrastructure de calcul (« l’IA alimentée au pétrole vert »). Des économistes, comme Majid Rafizadeh, saluent « la centralisation et l’agilité d’investissement saoudienne, impossible à égaler en Europe ou au Japon » (source). D’un autre côté, la dépendance aux talents venus d’Occident et d’Asie, ainsi que le retard relatif dans la formation nationale de haut niveau (seulement 2% des chercheurs saoudiens spécialisés IA), imposent un chemin escarpé (« One can buy power but cannot improvise human capital overnight », résume Robert Mogielnicki).
Dès lors, deux scénarios s’opposent:
- Bulle médiatique et course industrielle difficile à rentabiliser (projets NEOM, usines IA à marche forcée)
- Décollage réel, si les politiques d’attractivité se transforment en écosystème auto-suffisant et productif, capable de rivaliser avec les USA et la Chine sur la AGI
La crédibilité du pari dépendra donc de la capacité saoudienne à transformer la manne pétrolière en capital humain et en innovations de rupture. Pour comprendre comment la croissance exponentielle de l’intelligence artificielle rebat la trajectoire mondiale, retrouvez cette analyse.
Conclusion: Vers un nouvel ordre mondial de la superintelligence?
L’irruption de l’Arabie Saoudite sur la scène de la superintelligence artificielle pourrait accélérer le rééquilibrage des influences technologiques mondiales. En misant simultanément sur l’industrialisation, la formation et la diplomatie, Riyad bouscule l’agenda des grandes puissances et réaffirme la centralité de la coopération internationale tout en ouvrant la porte à une compétition inédite sur l’éthique, la gouvernance et la souveraineté cognitive.
De nouveaux acteurs émergent, de nouvelles régulations internationales sont en chantier, et la géopolitique de l’AGI entre dans une phase d’incertitude créative. Suivez de près les développements du front saoudien– entre méga-usines, courses aux talents et ambitions géostratégiques – et les prochaines étapes de la révolution ia générale.

