Alerte mondiale : Eric Schmidt, l’énergie et la limite cachée de l’AGI
Le 17 juillet 2025, l’ancien PDG de Google, Eric Schmidt, frappait fort lors de son passage au podcast Moonshots. Face à Peter Diamandis et Dave Blundin, Schmidt a pointé du doigt ce que beaucoup rechignaient à nommer : l’énergie, plus que les algorithmes, s’impose comme la véritable « ressource fatale » de l’intelligence artificielle générale et de la superintelligence émergente (LeBigData.fr, Fortune). Quelques jours après le RAISE Summit 2025 entièrement consacré aux giga-puces et à l’IA écoresponsable, sa déclaration fait l’effet d’un électrochoc : si l’AGI continue d’avancer au rythme du « plus de puissance, plus de données », nous nous heurterons non à un plafond technique, mais à un mur physique – celui de notre capacité à alimenter et refroidir ces monstres numériques.
Cette prise de parole relance des débats brûlants, comme l’a montré la récente vague d’articles sur la « croissance explosive de la demande en GPU« , le déploiement de nouveaux supercalculateurs par les géants de la tech, et la traque mondiale des ressources minières et énergétiques nécessaires à l’ère de la superintelligence artificielle. Derrière l’accélération algorithmique, c’est notre monde matériel qui vacille sous la pression d’une consommation énergétique record. Face à la promesse – ou la menace – d’une IAG sans limites, l’alerte d’Eric Schmidt marque-t-elle un tournant ?
En chiffres : la flambée énergétique des datacenters et la guerre des ressources
En 2025, la planète est entrée dans une phase critique où les datacenters – authentiques cathédrales de l’intelligence artificielle – dévorent une part croissante de notre électricité. Selon Techniques Ingénieur, la consommation mondiale des datacenters pourrait atteindre 500 TWh par an d’ici 2027, soit plus du double du niveau de 2023. En France, la demande pourrait bondir à 28 TWh d’ici 2035 (Vie Publique).
- Pénurie de processeurs : la compétition pour les GPU et autres puces de pointe fait rage. Les acteurs majeurs (GAFAM, OpenAI, ByteDance…) multiplient les contrats d’exclusivité avec NVIDIA ou AMD, tandis que l’Asie et l’Europe courtisent des champions locaux pour garantir leur souveraineté (plus d’infos ici).
- Ouverture de nouveaux sites géants : 2025 voit l’inauguration de datacenters tels que le campus hyperscale QuantumLake en Finlande ou celui d’Azure à Madrid, capables d’absorber la production annuelle d’une centrale nucléaire.
- Limites physiques et sociales : l’accélération des projets rencontre déjà des oppositions locales, des contraintes d’approvisionnement en énergie (eau, électricité) et des plafonds réglementaires, illustrant une détérioration rapide du « modèle extensif » d’entraînement massif.
Cette ruée vers la puissance exacerbe des déséquilibres Nord/Sud et fait émerger de nouveaux rapports de force industriels – autant d’enjeux analysés dans cette enquête de fond.
L’AGI face à son nouveau plafond: conséquences et scénarios d’avenir
L’irruption de la contrainte énergétique dans la course à l’AGI marque une rupture majeure pour la discipline. Jusqu’ici, le « progrès » semblait répondre à la loi de Moore : puissance et intelligence croissaient au rythme du silicium et de l’ingéniosité algorithmique. Mais à l’heure où même les supercalculateurs proposent de simuler uncerveau biologique, le goulot d’étranglement devient physique, non logiciel.
On assiste ainsi à :
- Un risque de polarisation géopolitique: seuls les pays capables de financer l’infrastructure énergétique et l’accès à des réseaux spécialisés resteront compétitifs sur la scène mondiale de la superintelligence artificielle.
- Des inégalités d’accès: entreprises, laboratoires, régions entières pourraient voir leur potentiel de recherche ou d’exploitation d’IA générale limité par la rareté de ressources énergétiques et matérielles.
- La fragilité des architectures géantes: face aux pénuries et au prix des GPU, la recherche s’oriente vers l’IA frugale (réduction des besoins en énergie/calcul), l’offloading « on the edge », ou de nouveaux paradigmes comme les architectures neuromorphiques, alliant efficacité bio-inspirée et faible consommation.
Ce basculement interroge la notion même d’une croissance illimitée de l’intelligence artificielle générale, ouvrant la voie à de nouveaux arbitrages entre puissance, soutenabilité et équité dans la transition vers l’AGI.
Défis et stratégies : comment la R&D se réinvente face au « mur énergétique »
La pénurie énergétique et matérielle impose un renouvellement stratégique chez tous les acteurs de l’intelligence artificielle. D’un côté, les gouvernements comme l’UE ou la Chine encouragent la relocalisation des datacenters et le développement d’infrastructures régionales en circuit court sur le plan énergétique. De l’autre, la recherche scientifique pivote vers la sobriété algorithmique, misant sur des modèles moins gourmands et des techniques de calcul massivement distribué pour soutenir des applications d’AGI responsables et scalables.
- Des consortiums internationaux (comme le projet Gaia-X en Europe ou les initiatives américaines sur les architectures open source) cherchent à garantir l’interopérabilité, la transparence et l’accès équitable aux ressources computationnelles.
- Les entreprises, elles, investissent dans le refroidissement innovant, l’électrification verte, ou la limitation dynamique de la consommation selon le niveau de priorité des tâches.
- Les laboratoires d’IA rivalisent d’ingéniosité en matière d’optimisation logicielle, compression de modèles et hybridation entre IAG et IoT, afin de concilier performance et efficacité.
Ce contexte inédit favorise l’émergence d’une nouvelle génération d’ingénieurs, tournés non plus seulement vers la performance pure, mais vers la conception de systèmes résilients et économes, ouvrant une authentique révolution industrielle aux frontières de l’intelligence artificielle générale.
Conclusion: le mur de l’énergie, frein ou chance pour l’AGI?
L’avènement de la superintelligence artificielle nous confronte à un dilemme fondamental: continuerons-nous à poursuivre l’idéal d’une croissance illimitée, au risque d’épuiser nos ressources, ou saurons-nous réinventer l’intelligence artificielle générale pour la rendre soutenable?
Le « mur énergétique » n’est pas qu’une contrainte : il invite à repenser la nature même de l’IA générale, selon des principes d’efficience, d’équilibre et de responsabilité. Les enjeux révélés par Eric Schmidt et la communauté scientifique soulignent l’urgence d’un débat global sur le futur de ces technologies. Des solutions émergent – architectures neuromorphiques, souveraineté énergétique, modèles frugaux – mais le chemin reste ouvert.
Au cœur de la transition vers l’AGI, c’est peut-être dans la contrainte et la tension énergétique que se niche la possibilité d’un progrès durable. À chacun – citoyens, ingénieurs, décideurs – de s’emparer de cette question pour donner une boussole à l’ère de la superintelligence artificielle.