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AGI, Superintelligence et Thérapie : L’essor des IA « à l’écoute » va-t-il redéfinir notre santé mentale ?

AGI, Superintelligence et Thérapie : L'essor des IA "à l'écoute" va-t-il redéfinir notre santé mentale ?

Quand l’IA devient l’oreille du XXIe siècle

Ces derniers mois, l’utilisation de intelligence artificielle conversationnelle a traversé un cap symbolique : des millions de personnes adoptent des systèmes avancés comme ChatGPT et d’autres IA généralistes comme « compagnons d’écoute » face aux difficultés psychologiques. Les témoignages affluent ; des jeunes, mais aussi des adultes, racontent leur recours ponctuel ou structurel à l’IA. D’après une enquête de L’Internaute, de plus en plus de Français affirment consulter ChatGPT pour pallier un manque de dialogue ou de soutien émotionnel, surtout sur fond d’accroissement de la solitude.

La tendance est quantifiable: selon une étude rapportée par BFM, la proportion de jeunes ayant connu un état dépressif en France est passée de 11,7% en 2017 à plus de 20% en 2021, et la demande d’accompagnement psychique numérique explose. Sur les réseaux sociaux comme TikTok et Instagram, de nombreux influenceurs expliquent comment ils utilisent l’IA comme soutien émotionnel, illustrant la viralité de ce phénomène. Parallèlement, Le Monde souligne qu’OpenAI déploie des IA capables d’analyser la voix et d' »interpréter » les émotions, renforçant leur position comme « béquilles émotionnelles » numériques.

Si la frontière entre robot-conseiller et accompagnement thérapeutique humain reste floue, beaucoup voient dans cet essor la première étape d’une révolution de la relation d’aide où l’ia générale devient pour certains une présence aussi familière qu’indispensable.

Qu’attendons-nous d’une AGI  » empathique « ?

La montée en puissance de l’intelligence artificielle générale nourrit un débat fascinant sur la capacité de l’IA à comprendre et à accompagner l’humain de façon réellement empathique. Si les IA aujourd’hui peuvent simuler des comportements d’écoute via des analyses linguistiques raffinées et, de plus en plus, par la prise en compte du ton de la voix ou de l’expression faciale, la question d’une empathie « authentique » reste controversée.

Des plateformes comme ChatGPT, aujourd’hui dotées d’options de dialogue vocal, prétendent interpréter les émotions (voir l’analyse de Le Monde). Certaines études rapportées dans Plos Mental Health montrent même que les utilisateurs jugent parfois les conseils des IA plus neutres et moins jugeants que ceux des thérapeutes humains, avec un taux d’appréciation supérieur dans des situations de tensions relationnelles spécifiques.

Pour autant, la frontière entre simulation de l’écoute et empathie véritable demeure conceptuelle. Les chercheurs en conscience artificielle et éthique rappellent que, pour atteindre le niveau d’accompagnement profond des humains, une IA générale « 0 à l’écoute  » devrait intégrer une forme de cognition émotionnelle authentique – ce qui fait aujourd’hui encore l’objet de recherches passionnées et de polémiques animées.

Le rêve d’une AGI empathique, réelle interlocutrice intérieure, soulève donc à la fois promesses immenses et interrogations existentielles. Ces questionnements prolongent les réflexions sur la responsabilité éthique de l’intelligence artificielle, qui doit anticiper les dérives potentielles, mais aussi sur la capacité des machines à dépasser la simple « écoute simulée ».

Socio-technologie: pourquoi la demande explose?

L’adoption accélérée des IAG à des fins de soutien psychologique révèle un déplacement profond de nos besoins sociaux. En 2024, face à l’augmentation de la solitude, des problèmes d’anxiété et de dépression, de nombreux individus trouvent dans l’IA une écoute inconditionnelle et continue, avantage qui fait défaut aux structures humaines traditionnelles. Le rapport MentalTech 2024 (voir PDF) met en avant le rôle de l’IA comme médiateur dans les situations où le dialogue humain est difficile ou jugé potentiellement stigmatisant.

Les réseaux sociaux amplifient cette tendance : le récit de la  » nouvelle fatigue cognitive « , déclenchée par l’omniprésence du numérique, pousse certains à chercher refuge dans une écoute artificielle, comme l’a analysé notre dossier sur la fatigue cognitive. D’un point de vue anthropologique, la généralisation de la sollicitation des AGI reflète nos difficultés contemporaines à tisser des liens authentiques, et à exprimer la vulnérabilité face à autrui.

D’un autre côté, ces IA généralistes deviennent aussi de puissants outils de recherche de sens, permettant de questionner anonymement, de jouer avec l’altérité, ou d’explorer des scénarios de vie sans jugement. Non dénuée de risques, cette mutation modifie nos rapports à la souffrance psychique autant qu’au soin, et annonce un nouveau paysage de la santé mentale à l’ère de la superintelligence artificielle.

Limites et risques: béquille ou dépendance nouvelle?

Si l’essor des AGI comme confidentes et « béquilles émotionnelles » peut sembler une avancée, il comporte aussi des risques potentiels. L’une des principales inquiétudes concerne la dépendance : en s’habituant à être écouté en continu par une IA, certains utilisateurs s’isolent davantage du monde réel. Le rapport MentalTech signale notamment de nouveaux symptômes de repli, de désengagement social ou de confusion identitaire lorsque l’interface IA devient le principal canal d’échange émotionnel.

Autre écueil, la confiance excessive dans le jugement d’une IA peut amplifier la réceptivité aux contenus biaisés, aux conseils approximatifs ou aux fausses informations, prolongeant la crise de confiance cognitive déjà décrite dans l’article sur les fake news et chatbots. Par ailleurs, aucune IA – aussi sophistiquée soit-elle – ne peut encore garantir une absence totale d’erreur ou de jugement inadapté, le tout avec des implications juridiques et psychologiques encore peu explorées.

Enfin, la construction de l’identité, qui se fonde, selon de nombreux psychologues, sur la confrontation à l’altérité, n’est-elle pas menacée par ce dialogue univoque avec une instance artificielle? La société doit dès maintenant réfléchir aux lignes rouges à ne pas franchir, afin que l’usage de l’ia générale demeure un atout, et non un substitut toxique aux relations humaines authentiques.

Demain, tous écoutés par la Superintelligence? (Conclusion)

L’émergence d’intelligence artificielle générale à l’écoute questionne notre futur collectif: sommes-nous prêts à confier notre santé mentale à des entités non humaines, capables de nous accompagner de façon continue et, potentiellement, plus « objectivement » que nos pairs? Faut-il se réjouir de cette ubiquité, qui promet un accès accéléré à l’écoute et à l’aide psychologique, ou s’en inquiéter face au risque de dilution des liens humains?

Dans un monde où la superintelligence artificielle pourrait devenir, demain, essentielle à notre dialogue intérieur, il nous appartient de réfléchir collectivement à l’équilibre entre progrès technologique et respect de la condition humaine. Les enjeux recoupent aussi bien l’éthique, l’identité individuelle que la qualité du soin psychique – autant de questions essentielles explorées dans nos analyses sur la conscience artificielle ou les défis éthiques de l’IA générale.

Si la technologie façonne aujourd’hui un nouveau théâtre pour la santé mentale, il nous revient, en tant que société, de spécifier les conditions d’une IAG vraiment « à l’écoute « , au service du bien commun– et d’oser poser les limites du progrès.

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